Bonjour à toustes,
Les nouvelles qui nous parviennent des Etats-Unis sont terrifiantes. Les documents officiels parlent désormais de LGB, en prenant bien soin de virer les personnes trans ; les mots “femme”, “genre”, “trauma” disparaissent des recherches universitaires ; Trump veut transformer Gaza “en côte d’Azur du Moyen-Orient”, mais sans les habitant·es, qu’il veut expulser. De leur pays donc. Et en France, la chaîne publique franceinfo: organise un débat avec un professionnel du tourisme pour discuter de la validité ou non de cette idée. Oui, rien ne va.
Cette stratégie d’occuper l’espace médiatique dont use Donald Trump est une manière “de faire en sorte qu’aucune controverse ne dure longtemps parce qu’il y en aura toujours une autre pour la remplacer”, explique Evan Nierman, fondateur et directeur général de l’agence spécialisée dans la communication de crise Red Banyan dans Le Devoir. En d’autres termes, en inondant les journalistes de déclarations plus virulentes les unes que les autres, il s’assure d’être au cœur de l’actu. C’est aussi une stratégie militante pour sidérer l’adversaire en face et bloquer toute possibilité de réaction.
En France, la présidentielle c’est en 2027. Il nous reste donc deux ans pour agir. Nous n’avons plus le temps de la sidération, plus le temps d’attendre, plus le temps d’espérer un sursaut de la majorité silencieuse. Cela fait plusieurs années que l’extrême droite avance son projet de société. De façon minutieuse et stratégique. Maintenant à nous d’agir.
Dans cette newsletter, on vous propose de vous donner des pistes pour s’organiser différemment, pour avancer ensemble et continuer à s’aimer, à vivre et à militer, pour tenter au maximum de repousser le fascisme. Pour la première fois aussi, Genre’s accueille une nouvelle journaliste, Automne Trinh. Bienvenue à elle ! Celle-ci vous embarque dans la débrouille des personnes trans pour aider et / ou avoir accès à la PMA. Son article est à retrouver en PDF. Bonne lecture !
En attendant une PMA vraiment pour toustes, la débrouille s’organise
En septembre 2021, la loi bioéthique a ouvert la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Mais face à ses lacunes, beaucoup de personnes LGBTQIA+ continuent de contourner le système.
À la sortie de l’ascenseur, au sous-sol de l’hôpital Tenon à Paris, une affiche montre deux silhouettes floues, un test de grossesse en main. Des visages féminins, le sourire aux lèvres, et ce test où cinq lettres, « merci » apparaissent. Derrière cette campagne de l’agence de la biomédecine pour inciter au don de gamètes, se niche le CECOS (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme). Depuis la loi bioéthique de 2021, les couples de femmes et les femmes seules ont désormais accès à la PMA (procréation médicalement assistée). Cette loi qui a été attendue pendant plus de dix ans a exclu les hommes trans et ne permet pas de don de gamètes au sein d’un couple lesbien. Dès lors, la débrouille s’organise.
Le recours aux inséminations artisanales
Emilie s’est lancée dans un parcours de PMA artisanale au moment où les parlementaires débattaient de la loi bioéthique. En juillet 2022, sa compagne et elle ont eu des jumeaux.
« Quand on a appris que la loi allait changer, on s’est posé la question d’attendre, raconte Emilie. Au final, même dans sa forme actuelle, on l’aurait contournée : nous on voulait pouvoir expliquer à nos enfants comment ils ont été conçus, qui est le donneur, et garder des liens avec cette personne. » Ce qui n’est pas possible actuellement car c’est seulement à la majorité de l’enfant que celui-ci peut avoir accès aux informations qu’a fournies son donneur.
Pour avoir un·e enfant, Emilie et sa compagne ont cherché autour d’elles un homme cis qui accepterait de leur donner ses gamètes pour une insémination artisanale. « Un pote de pote, gay, qui avait dans sa famille une tante lesbienne dont le grand regret était de pas avoir eu d’enfants nous a suivi », détaille Emilie. Ensemble, iels ont pris le temps de faire connaissance et de s'assurer d'être sur la même longueur d’ondes. « C’était important pour moi d’avoir des valeurs communes. On a aussi beaucoup discuté de la place de chacun. Puis, on a mis par écrit comment on envisageait les relations entre nous et ce qu’on souhaitait pour l’enfant. » Un contrat moral, avec date et signatures, qui rassure Emilie. « C’est un des premiers à avoir vu les petits quand ils sont nés. Ils ont les yeux clairs comme lui, et maintenant c’est leur parrain, il est ravi de les connaître et d’avoir participé à ce projet ».
En France, l’insémination artisanale est illégale et passible de deux ans de prison et jusqu’à 30.000 euros d’amende, selon le Code de la santé publique. « J’étais tout à fait consciente d’enfreindre la loi » glisse Emilie, qui travaille dans un tribunal. « Mais à ma connaissance il n’y a jamais eu de poursuites. Plus que la peur de finir en prison ou de devoir payer une amende, je craignais surtout de ne pas être reconnue comme parent à l’état civil. »
Partir à l’étranger
À Marseille, Darko était enceint de trois mois et demi quand le nouveau texte s’est appliqué. « J’étais en couple avec une personne trans non binaire et on n’avait pas du tout les profils pour accéder à la PMA dans le système classique », explique-t-il. En vue d’une insémination « à la maison » ils ont sondé…
👑 Le Combat du Mois 👑
Alice Nkom
Avocate et présidente du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redahc), Alice Nkom, 79 ans, est harcelée par les autorités du Cameroun, dénonce Amnesty International. Elle, qui lutte pour les droits humains, a déclaré en décembre dernier qu’elle se battrait “toujours pour les homosexuels parce qu’eux ils risquent leur liberté tous les jours, on les jette en prison comme des chiens”. Être gay au Cameroun c’est s’exposer à 5 ans de prison. Pour en savoir plus, vous pouvez lire son portrait sur la BBC Afrique (en français).
📣 En bref 📣
Don’t ask, don’t tell. Le Vatican autorise les gays à devenir prêtres. Mais seulement s’ils n’en parlent pas et ne “soutiennent pas la soi-disant culture gay”. Une non avancée en somme.
Une première historique. Pour la première fois, un duo féminin a patiné ensemble, lors du gala Art on Ice, à Zurich, le 6 février dernier. Gabriella Papadakis et Madison Hubbell veulent ainsi faire bouger “les codes hétéronormés, très genrés” du patinage artistique.
PMA à l’étanger. Attention, il y a un petit changement pour les parcours PMA à l’étranger. La loi de bioéthique avait permis aux personnes qui n’avaient pas porté leur enfant de l’adopter et cela sans le consentement de celle qui l’a porté. Cela concernait les PMA réalisées à l’étranger avant le 2 août 2021. Cette disposition a pris fin le 21 février. Si vous êtes dans cette situation, n’hésitez pas à vous rapprocher d’asso comme Les Enfants d’Arc-en-ciel.
Transphobia. Elie sort un livre qu'on ne peut que vous inviter à lire et à offrir à vos proches. Dans cet ouvrage sur la désinformation et des discriminations transphobes, iel s’adresse aussi bien aux personnes concernées qu’aux allié·es. A cette enquête journalistique viennent s’ajouter les textes de plusieurs personnes trans comme Lou Trotignon ou encore Janis Sahraoui. Une soirée de lancement est prévue le 13 mars à Césure. Vous venez ?
Genre’s. Vous l’avez peut-être remarqué, nos newsletters se sont espacées. Ce début d’année a été un peu éprouvant et ce projet, bénévole, nous demande au moins dix jours de travail par newsletter. Pour réussir à continuer sans s’épuiser, nous avons donc pris la décision de réduire le rythme de publication. Comme nous vivons dans une société capitaliste et que financièrement c’est un peu compliqué, nous avons aussi fait le choix de lancer un Tipeee. Cette plateforme vous permet, si vous le pouvez / voulez, de soutenir financièrement notre travail pour nous aider à poursuivre ce beau projet de média par et pour des TPG.
⭐ Recommandations ⭐
Pour cette newsletter, on a essayé de vous trouver des textes et des events qui vous permettront, on l’espère, d’avancer pour s’organiser différemment.
💖 Réfléchir à nos liens, nos amours et nos familles 💖
Manifeste pour une démocratie déviante : amours queers face au fascisme, Costanza Spina
Siamo tutti antifascisti. Là où le fascisme estime que seules certaines vies sont dignes d’être vécues, la pensée queer et féministe nous enseigne que toutes les vies comptent. Dans cet essai politique incarné et sensible, Costanza Spina démontre que les démocraties capitalistes n’ont jamais réellement repensé leur filiation avec les régimes autoritaires, et comment les « déviant·es » dans l’ombre de systèmes productivistes et violents ont appris à s’aimer, à prendre soin, à rendre justice autrement. Costanza Spina a grandi en Italie (le pays qui a vu naître le fascisme), avant de fuir en France. C’est aussi iel qui a fondé le média Manifesto XXI. Censored magazine, 19 euros
Maternités rebelles, Judith Duportail
Maman solo. Alors qu’elle dépasse les 35 ans, Judith Duportail, une célibataire nullipare, panique. Elle veut un enfant. Mais comment faire pour devenir mère dans une société hétéro-patriacale quand on est célibataire ? Dans cet essai documenté, elle démontre qu’il est indispensable de dissocier la maternité du couple hétéro et donne des pistes pour construire sa famille hors de l’amour romantique et des parcours officiels et autorisés. En bonus, les dernières pages sont composées d’un petit guide de désobéissance pratique : des conseils très concrets pour toutes les personnes qui veulent se lancer. Binge Audio Editions, 18 euros
La grève de date, pour une éthique romantique queer, Anonyme
Plan Q ou plan cœur ? Ce texte anonyme interroge notre rapport aux dates dans nos communautés. Est-on encore queer quand on est célibataire ? Pourquoi cette logique de consommation de l’autre se met-elle en place ? A travers son expérience personnelle et une réflexion argumentée, l’autrice nous invite à réfléchir nos rapports amoureux dans une société capitaliste et néolibérale. L’autrice a choisi de mettre ce texte en téléchargement gratuit ici
🤜 Comprendre le système de domination 🤛
Servir les riches, Alizée Delpierre
Acheter du temps libre. Derrière les façades de luxueux immeubles parisiens, se cache un personnel invisible. Iels travaillent du matin au soir, souvent la nuit, pour satisfaire les besoins et désirs des millionnaires qui les emploient à leur domicile. En s'appuyant sur une enquête immersive de plusieurs années, ce livre lève le voile sur les relations quotidiennes entre ceux qui servent et ceux qui sont servis et éclaire sur les ressorts d'une cohabitation socialement improbable, faite de domination et de résistances. Edition la découverte, 20 euros. Egalement disponible en audiobook.
Comment les riches ravagent la planète, et comment les en empêcher, Hervé Kempf et Juan Mendez
S’enrichir au mépris de la planète. En une bande dessinée claire et limpide, les auteurs décrivent le mode de vie des riches qui n’ont que faire du réchauffement climatique. Peu importent les désastres écologiques, les crises sociales qui en découlent, les riches continuent de multiplier leur fortune sans se soucier des conséquences sur les autres personnes ou la planète. Face à cet accaparement des richesses et des ressources, des luttes et des alternatives se mettent aussi en place. Editions Seuil, 20 euros
📰 S’informer via la presse indépendante 📰
Le savoir est un pouvoir
A l’heure où l’extrême droite tisse de plus en plus sa toile dans la société, comme dans les médias, on voulait profiter de cette newsletter pour vous donner des noms de médias indépendants sur lesquels s’informer. Pour suivre des enquêtes sur l'extrême droite, vous pouvez lire StreetPress, pour des enquêtes au long court sur Bolloré ou sur les personnes trans, tournez vous vers Les Jours. Si vous avez envie de recevoir des lettres chez vous, vous pouvez vous abonner à La Disparition, média épistolaire qui documente les disparitions de notre époque, que ce soit la disparition des lesbiennes à San Francisco, de la binarité de genre ou encore sur la stérilisation volontaire. Enfin, vous pouvez aussi vous tourner vers le Bondy Blog (gratuit) un site web sur les questions de discriminations et de racisme à l’encontre des habitant·es des quartiers populaires.
🏳️🌈 Ne pas rester seul·e 🏳️🌈
Une bulle d’adelphité. Enfin, une lutte ne s’organise jamais seul·es. A Paris, si vous êtes une personnes trans ou une personne LGBTQIA+ exilée, vous pouvez vous tourner vers la Bulle, maison des solidarités. Ici, vous trouverez des associations qui pourront vous accompagner dans vos démarches administratives, vous accompagner dans votre transition ou celle d’un·e de vos enfants via des groupes de parole. C’est un lieu de vie doux et militant où il fait bon poser sa colère.
Se retrouver en manif. Samedi, c’est aussi la journée de lutte contre les violences faites aux femmes. Des marches radicales, féministes et queers se tiennent un peu partout en France, le 7 mars. A Genre’s, on sera avec les Inverti·es à Paris, et vous ?
Une friperie solidaire. Vous avez un binder qui ne vous sert plus, un teeshirt qui ne vous va plus, ou juste l’envie de refaire votre garde-robe ? Venez le 9 mars au Bonjour Madame. Ce bar queer et lesbien proche de Nation organise une friperie solidaire au profit du Fast d’Acceptess-T. Plus d’info ici
Cette newsletter a été relue avec amour par Ellie Le Masson.
Merci à iel <3
Merci de nous avoir lu·es et à bientôt ! ✊