Bonjour à toustes,
Depuis que l’on a lancé cette newsletter en mai dernier, on vous dit tous les mois (ou presque) qu’on est en colère, qui va (encore) falloir lutter. A chaque fois, on se dit que l’on va vous parler des nouvelles plus joyeuses, mais l’actu nous rattrape et nous empêche de dormir. Entre Gaza, Beyrouth, l’Ukraine mais aussi Ahoo Daryaei qui a disparu (pour en savoir plus c’est ici), il ne manquait que la réélection de Trump. C’est désormais chose faite. Donc, on respire, on regarde un dessin-animé et on s’accroche. Car pour la première fois aussi, une femme trans out a été élue au Congrés américain : Sarah McBride, 34 ans, élue avec plus de 57 % des voix dans l’Etat du Delaware. Même si on sait que son mandat ne va pas être de tout repos avec Trump, c’est une lumière à laquelle se raccrocher.
D’autant plus que novembre est un mois difficile. Pas seulement parce que le froid s’installe, mais aussi et surtout parce que c’est un mois de commémoration pour la communauté queer. Le 20 novembre, comme chaque année, on rendra hommage aux personnes trans mortes. Tuées parce que trans. Cette cérémonie mondiale qu’est le TDoR (« Transgender Day of Remembrance » en anglais) est là pour rappeler que la transphobie continue de tuer en France, comme dans d’autres pays. L’an passé ce sont plus de 400 personnes trans qui ont été tuées ou qui se sont suicidées par transphobie. On vous en parle plus longuement dans la session actu de cette newsletter. Restons ensemble, restons solidaires et faisons bloc pour ne laisser personne derrière.
Un autre combat qui accompagne la communauté queer en cette fin d’année : la lutte contre le VIH. Chaque 1er décembre, les associations rappellent qu’il est possible de mettre un terme à l’épidémie au niveau mondial. Mais pour cela, il est nécessaire d’avoir de la volonté politique et des engagements financiers. En attendant, Genre’s est parti à la rencontre de personnes vivant avec le VIH et qui ont moins de 25 ans.
“Le VIH, je n’y connaissais rien”
Pour certains c’est un coup de téléphone, un silence ou un résultat qui n’arrive pas. Pour Chris*, 25 ans, ça a été une analyse sérologique lors d’un don du sang.
“Je venais d’avoir 18 ans et sur mon campus, il y avait un camion qui était là. Je me suis dit que désormais comme j’étais majeur, je pouvais le faire. Du coup, j’y suis allé.” Quelques jours plus tard, une personne du don du sang lui demande de revenir et “c’est là que je l’ai appris. Je me suis effondré. C’est grâce au soutien de mes parents que je suis encore là aujourd'hui, explique-t-il. En dehors d’eux, et de mon copain, personne n’est au courant.” Comme lui, l’an passé en France, environ 5.000 personnes ont découvert leur séropositivité. 54 % d’entre elleux sont hétéro et 41 % sont des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), selon les données de Santé Publique France. Au niveau mondial, 1,3 million de personnes de plus vivent désormais avec le VIH, selon l’ONU Sida. Des chiffres en baisse depuis 1995, mais qui pourraient être encore plus bas si de réelles politiques de prévention étaient mises en place.
Un manque d’information criant
Chris lui, n’avait jamais entendu parler du VIH. A l'exception du film Philadelphia. “Je pensais que j’allais mourir”. Dans ce film américain de 1993, un avocat se fait licencier quand son cabinet apprend qu’il est séropo. En parallèle de son combat pour dénoncer cette discrimination, il doit se battre contre la maladie. Depuis, les traitements ont évolué. Une personne qui vit avec le VIH et qui est sous traitement ne meurt plus du sida. De plus, cette personne devient indétectable. C’est-à-dire qu’elle ne peut plus transmettre le VIH, même lors de rapports sexuels, d’un accouchement ou de l’allaitement.
Pourtant, faute d’ateliers d’éducation sexuelle dans les établissements scolaires, le manque d’information autour des IST, dont le VIH, est criant chez les moins de 25 ans, qui représentent 14 % des nouvelles contaminations en 2023. Dan, 21 ans, a lui aussi paniqué quand il l’a appris lors d’un test rapide (TROD) à Aides en février. “Je me suis effondré, je n’entendais plus rien et j’ai cru que c’était terminé pour moi, que je ne pourrais plus faire de sport, et que j’allais être malade tout le temps.” “Ça a été la même chose pour moi, raconte Philémon, 23 ans. Quand j’ai appris que j’avais le VIH en 2021, j’ai cru que j’allais mourir. En plus ma mère avait perdu des amis à elle du sida et quand je lui ai annoncé, elle a aussi pensé que c’était fini.”
Avec leurs angoisses et leur désarroi, ils commencent à se tourner vers des asso ou des comptes Insta pour comprendre ce qu’est le VIH. “Je me suis rendu compte à quel point mes amis et moi on était à la ramasse, reconnaît Benoît, 26 ans. Avant de découvrir que j’avais le VIH, je n’y connaissais rien. Enfin, j’en avais entendu parlé bien sûr mais je n’étais pas au fait de toutes les évolutions notamment sur les traitements.”
“Le manque d’information est énorme chez les jeunes, souligne Lydie Porée, chargée du plaidoyer de la lutte contre le VIH et les IST au Planning familial. Attention, il ne s’agit pas de dire ‘c’est la faute des jeunes’, mais plutôt d’appeler les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités, à mettre en place de grandes campagnes de communication et à appliquer la loi sur les cours d’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires.” En juillet 2021, un rapport remis au ministre de l’Education nationale par l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) reconnaît que “l'objectif premier n’est à l’évidence pas réalisé, même s’il n’est pas possible de disposer de données précises sur l’organisation concrètes de ses séances”. En attendant des campagnes des pouvoirs publics, l’association a lancé une vaste campagne à destination des adolescent·es : “Dépistez-les toutes”. “Le but de cette campagne c’est d’avoir des messages clairs comme ‘se faire dépister c’est prendre soin de sa santé’, explique Camille Beau, animatrice de prévention au planning familial de Paris. On veut aussi déconstruire les clichés qui entourent les IST.”
L’annoncer à son copain
Se découvrir séropo dans une société discriminante peut aussi affecter la vie personnelle et sentimentale. C’est ce qui est arrivé à Farès, la vingtaine, qui a vu son test revenir positif l’an passé. “Je n’avais aucun soupçon, explique-t-il. Je suis en couple avec mon copain depuis quatre ans et lors d’un test de santé globale, j’ai fait les IST au passage, raconte Fares. Dans ma tête, je ne pouvais pas être concerné. C’est mon premier copain, on est ensemble depuis quatre ans. Et au final si.” A Alger, il lui faudra plus d’un mois pour avoir accès à un traitement, et depuis chaque mois il doit retourner chercher le mois suivant, sans certitude que sa trithérapie ne soit pas en rupture de stock. “Le plus difficile, ça a été quand j’ai dû l’annoncer à mon copain. Pourtant j’en ai vécu des choses difficiles, comme des viols, mais devoir annoncer à la personne que l’on aime qu’on est séropo, c’est la chose la plus difficile que j’ai vécu.” Sur le moment, son copain encaisse, le prend dans ses bras et lui dit “on est deux, ne t’inquiète pas.”
Pour Benoît aussi, l’annonce à son copain a été une étape difficile. “Je lui ai envoyé un message dans la journée pour lui dire que c’était positif sur le ton de la blague. Mais j’ai beaucoup moins rigolé quand le test est effectivement revenu positif. Je lui ai renvoyé un long message pour lui expliquer et on s’est appelé le soir. Entre temps, son copain appelle le Sidaction pour avoir des informations et avait pris rendez-vous pour un test qui est revenu négatif. Mais moi, je ne me voyais pas lui imposer ça. Je lui ai dit que c’était terminé entre nous. Je ne voulais pas qu’il vive avec cette crainte d’attraper le VIH.” Depuis, deux ans se sont écoulés et les deux garçons vivent désormais ensemble. “Deux mois après le début de mon traitement, j’étais indétectable, ça veut dire que je ne peux plus transmettre le VIH. Mais j’y pense quand même souvent.” Par crainte, il demande alors à son copain de prendre la PrEP et d’utiliser des préservatifs à chaque rapport. “Il m’a fallu plus de six mois pour recommencer une vie sexuelle et puis j’avais très peur de lui transmettre le VIH, même si je sais qu’en théorie ce n’est pas possible, ça reste dans un coin de ma tête.”
Un manque de représentation
De son côté, Caroline Janvre, psychologue et sexologue notamment auprès d’Action traitements recommande de ne pas rester seul·e face au VIH. “Même si les années sida sont passées, le stigmate du VIH reste encore fort. Et cela enferme les personnes dans une solitude écrasante. Que ce soit via les réseaux sociaux ou via des associations ou des groupes de parole, il est important de briser l’isolement et de rappeler qu’une fois sous traitement, on ne peut plus transmettre le VIH. ”
Au-delà d’un défaut d’informations sur les évolutions des traitements, toustes déplorent le manque de représentation positives de personnes vivant avec le VIH. En attendant que le cinéma, les séries et la télé-réalité s’emparent du sujet, ce sont, une fois encore, les personnes concernées qui tentent de faire bouger les lignes. “Il m’a fallu beaucoup de temps pour accepter de vivre avec le VIH, explique Dan qui s’est engagé à Aides. Donc aujourd'hui, j’ai envie d’aider à ma manière. Et de faire passer le message que non, être jeune n’est pas un totem d’immunité. Mais que ça va aller. Aujourd'hui, on vit avec le VIH et on vit bien.”
👇 5 données à connaître sur le VIH 👇
VIH et sida. Le VIH est le virus, le sida, la phase terminale de la maladie. Ce n’est pas la même chose.
Indétectable = intransmissible. Aujourd’hui, les personnes qui vivent avec le VIH et qui sont sous traitement ne peuvent pas transmettre le virus, même lors d’une pénétration sans préservatif ou PrEP, ou lors d’un accouchement. On dit alors que la charge virale de la personne est “indétectable”.
Prévention. En dehors du préservatif pour les rapports pénétratifs, il existe la PrEP, un médicament à prendre avant un rapport sexuel et qui permet de ne pas attraper le VIH si l’on est en contact avec une personne séropositive sans traitement. Un dépistage c’est tous les trois mois quand on a plusieurs partenaires. Donc : protégez vous et dépistez vous !
Traitements. Aujourd'hui, avec des moyens financiers, il est possible de stopper l’épidémie de VIH, dans le monde. Cela passe par des tests, de la prévention et à un accès à des traitements gratuits. Seulement, cela demande de la volonté politique.
Vers qui se tourner. Les CeGIDD, Aides, le Sidaction, Gabr·iel·le, Actions Traitements, le Planning familial, le Checkpoint Paris, Sida Info Services. Et sur Insta : vismonvih; mcs.sida; andreamestre_; fred_colby, comitedesfamilles
👑 Instant Queen 👑
Le combat de Clara Achour
Avec sept autres plaignantes, elle attaque la France devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Oui rien que ça. Ensemble, ces combattantes dénoncent une victimisation secondaire lors de leurs procès respectifs. Cette notion récente de la CEDH permet de mettre en lumière la difficulté pour les victimes d’être entendues lors de leur dépôt de plainte. Elles subissent ainsi une double blessure : lors d’actes criminels violents, mais aussi lors de la procédure judiciaire.
Clara, par exemple, a subi un viol sous soumission chimique. Lors du procès, l’agresseur a reconnu les faits. Pourtant, cela n’a pas empêché le tribunal d’acquitter son violeur. Si vous voulez l’aider, n’hésitez pas à signer sa pétition, ou à la suivre sur son compte Insta @surviv_hante.
📣 En bref 📣
Langue des signes. Heike Heubach, 44 ans, est la première députée à faire une intervention en langue des signes au Bundestag, l'assemblée parlementaire d'Allemagne. Une première mondiale.
Attaque masculiniste à Paris. Pendant une soirée d’Halloween en mixité choisie organisée par La Bringue, quatre hommes ont tiré des mortiers d’artifice en direction du fumoir où 75 femmes se trouvaient. En 2023, un acte similaire avait eu lieu à Marseille. Des hommes avaient lancé de l’essence sur des femmes qui fumaient.
TDoR. Le 20 novembre, c’est la journée du souvenir trans. Un moment où la communauté rend hommage à celleux qui sont mort·es dans l’année à cause de la transphobie. Beaucoup de villes ont annoncé des rassemblements comme Grenoble, Marseille, Lille ou encore Paris. A cela s’ajoutent des soirées dont l’idée est de créer du lien pour éviter que des personnes ne se retrouvent seules. A Paris, ce temps-là, se tiendra à la Flèche d’or le 16 novembre.
Cagnotte. Avec des artistes, l’association Acceptess-T a lancé une cagnotte pour soutenir son action auprès des personnes trans les plus précarisées (TDS et / ou personnes exilées). En faisant un don à l’association vous pourrez bénéficier d’une contrepartie. Un livre, un tatouage ou même une illustration. N’hésitez pas, si vous le pouvez, à participer. Ces dons serviront à financer des paniers repas, des nuits d'hébergement d’urgence mais aussi des soins, etc.
Bravo les lesbiennes. Aux Etats-Unis, un homme a tenté d’arracher le rainbow d’une maison. Le pauvre chéri n’a pas réussi. Les lesbiennes l’avaient accroché avec l'emblème de toute une communauté : le mousqueton. La vidéo de l’échec d’un lesbophobe face aux mousquetons est à retrouver ici.
⭐ Recommandations ⭐
Spleen, le spectacle musical de Diamanda Callas.
Prenez un peu de romantisme, une pincée de goth, et la fin du monde comme thème, et vous aurez les ingrédients du spectacle de Diamanda Callas. Accompagnée par Charly Voodoo, au piano, elle vous donne rendez-vous chez Madame Arthur, une fois par mois jusqu’en février. La première est mercredi 13 novembre (oui demain). On a hâte d’y être.
Trans Gaze.
Paris met à l’honneur les artistes trans à travers l’exposition Trans*Galactique. A travers des photos, des collages, des vidéos et des archives, elle met à l’honneur les subjectivités trans. L’entrée est gratuite et c’est jusqu’au 9 février à la Gaîté Lyrique.
Le Grand Méchant Queer, podcast.
Depuis quand, Hollywood s'est mis à créer des méchant·es aux attitudes maniérées ? Pourquoi on se retrouve avec des personnages malveillants comme Scar ou Le Joker qui tombent dans le cliché gay ? Au délà du côté problématique de ces représentations, c’est une partie de l’histoire du cinéma hollywoodien et de nos communautés qui se cache derriere le « queer-coded villain ». Camille Regache et Aline Mayard se sont penchées sur la question dans cet épisode à retrouver sur Binge Audio.
1er décembre.
Le 1er décembre c’est la journée de lutte contre le VIH - sida. A cette occasion, Genre’s vous propose une sélection spéciale :
Le livre « VIH/sida, l'épidémie n'est pas finie ! » Edité par le Mucem après sa grande exposition du même nom en 2021, cet ouvrage n’est pas pensé comme un catalogue d’expo mais comme un objet de mémoire, rappelant les luttes passées et à venir autour du VIH.
Côté sexe lesbien, vous pouvez aussi vous plongez dans cet article qui revient sur l’invisibilisation des lesbiennes. Cette absence de prise en compte dans les campagnes de prévention a des conséquences sur leur santé sexuelle.
Enfin, si vous voulez assister à des conférences pour parler des avancées sur le VIH et de son traitement médiatique, Aides et Libération organisent une journée de débat suivie d’une soirée drag et voguing. C’est le 30 novembre à la Maison des métallos à Paris. L’évènement est gratuit mais l’inscription est obligatoire.
Merci de nous avoir lu·es et à bientôt ! ✊